
Quand nous pénétrons sous les voûtes de la Cerca Moura, comme sous un paysage de neige, les bruits des klaxons, des foules et des moteurs s'éloignent, se confondent et s'étouffent. La lumière est filtrée, les ombres apparaissent. Une transition vers un autre monde où l'intérieur et l'extérieur s'inversent.
Le bourdonnement des pensées s'arrête, on devient attentif. Chaque sens se sépare distinctement l'un de l'autre. Transposé vers un calme soudain, nos pas se font entendre. Les contre-jours nous éblouissent. Les hommes sont moins nombreux, celui qui apparaît intrigue. Notre regard se porte sur les reflets, les fleurs, les ondulations du linge et des draps. La vie semble sortir de l'intérieur des maisons, des portes couloirs.
Dans la brise matinale, quand un regard en croise un autre, interloqué le temps d'une seconde, une coupure se fait sentir dans les gestes du quotidien. Un salut enroué, suivi d'un hochement de tête et chacun se remet à sa tâche.
Se rapprochant du logis d'une de ces dames, comme si une aura nous magnétisait, une chaleur intérieure nous adoucit, une envie de sourire et de partager cette légère contagion. Même si nous parlons souvent avec elle, une part de mystère subsiste. Leur passé que nous connaissons par certaines histoires nous intrigue toujours et nous inspire un profond respect. Envers certaines, presque une fascination.
Malgré leur grand âge, un incroyable sourire rayonnant de force et d'énergie nous étourdi d'un bain de jeunesse. Certains échanges ressemblent en rien à ceux partagés avec d'autres dames de leur âge. Elles ont incorporé quelque chose qui ne s'apprend ni à l'école ni dans aucune institution. Dans leur étroite maisonnette, elles se nourrissent d'échanges avec les autres ou de l'enseignement de leur histoire personnelle, indissociable de celle du quartier. Ni l'âge, ni l'ennui, ni les drames de la vie ne semblent les éroder. Quelques phrases échangées seulement et nos états d'âme, soudain, se transforment.
Est-ce la disposition improbable des rues, la force du fleuve, l'énergie volcanique de la colline et du quartier qui les rend si singulières ? Ou leur lutte dans un quartier difficile, pauvre et surpeuplé qui les a forgée ainsi ? L'explication de cette énigme doit être quelque part dans la communication perpétuelle entre le charme du quartier et la sagesse lumineuse de ces dames.
A.L.
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